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Go for the sound

Posté : 20 nov. 2021 18:36
par dexdex
Salut à Tous,

Pas un album, mais une phrase de Benny Golson, le géant que l'on ne présente plus. Le 4ème homme, peut-être plus humble, après la triade John/Sonny/Dex ayant défini le sax ténor jazz des années 50.

Je réalise, avec l'âge, mais aussi en me « recentrant » sur le ténor depuis quelques temps, à quel point LE SON m'importe. Peut-être parce que bouger les doigts de plus en plus vite atteint les limites de ma paresse ou de mon manque de méthode. Je reste avant tout un dilettante.

Go for the sound, en substance, "visez la sonorité". Une phrase entendue dans une des interviews de BG sur le Tube.

Par ailleurs, je constate que le simple son d'une phrase, de quelques notes, me parlent parfois plus intensément que certaines constructions hyper élaborées dans lesquelles le jazz et ses saxophonistes se sont souvent engouffrés.

Récemment, quelque part sur la toile, peut-être FB, ça débattait sur "c'est quoi, pour toi, le son du jazz ?".

Un album mythique, ayant le même âge que moi. "Moanin'" d'Art Blakey et ses Jazz Messengers. Et, justement, ce son inimitable de Benny Golson. Un tantinet plus intimiste que l'intense John, le rebelle Sonny ou le charpenté Dex. Voire même légèrement "old school". Le son des ténors d'avant, d'Arnett Cobb, d'Illinois Jacquet, voire même une trace de Hawkins lui-même. Mais sans vibrato, sobre, moderne, post-bop.

Une "empreinte" typique ? Le registre grave, notamment la main droite. BG y est reconnaissable entre 1000. Notamment dans "Moanin'", première réponse au pianiste B. Timmons.

Au gré des humeurs, je vais partager dans ce fil ces petits bouts de "go fo the sound" que je croise, et serai enchanté de lire vos avis, commentaires et "contre-propositions". Sans doute y aura-t-il pas mal de "vieilleries" des années 50-60, ce que j'écoute en majorité. On ne se refait pas, ou si peu...

Le fameux "Moanin'", prise de son géniale, octobre 1958, l'ingénieur Rudy Van Gelder savait comme personne placer les micros, notamment devant les saxes.



Un autre ténor ayant le même type de sonorité, avec un peu plus de vibrato. Ici, il fait tout l'exposé du thème "en bas", d'ailleurs on est en Fa, comme ci-dessus. 1961, même preneur de son (tiens...).


Re: Go for the sound

Posté : 21 nov. 2021 11:18
par Tintin
Très bien dit. Bravo.

Je partage entièrement l'idée que c'est le son qui fait le saxophoniste avant la technique. C'est lorsqu'on a enfin trouvé "son" son que le discours musical, l'impro, peut se charpenter sans appréhension. Mon prof insistait toujours pour que je ralentisse mes exercices au profit de la recherche de la qualité du son. "Concentre toi sur ton son, pas sur la technique ; celle-ci viendra toute seule après".

Re: Go for the sound

Posté : 21 nov. 2021 12:19
par dexdex
Tintin a écrit : 21 nov. 2021 11:18 ..... "Concentre toi sur ton son, pas sur la technique ; celle-ci viendra toute seule après".
Une certaine maîtrise s'installe toute seule, aucun doute.
Pour le reste, le "tout seul" est quand-même aussi la conséquence d'un travail acharné et ciblé sur le biniou. On a le courage et la rage, ou pas.

Dans les anciens, souvent encore autodidactes, un des sons les plus caractéristiques, c'est évidemment Eddie Lockjaw Davis. Dans son cas, le son, mais aussi l'articulation. Les notions de "phantom notes", "subtone" ou "slur" prennent vie. Johnny Griffin, son compagnon de route dans un atypique quintet 2 ténors, a lui-même dit de Lockjaw qu'il jouait des trucs incompréhensibles, avec des doigtés improbables. Griffin est lui plus "classiquement" bop dans son vocabulaire.

12 mesures de blues en Fa (encore !) qui ont défini le son du ténor ultime à mes oreilles. La toute dernière phrase du solo, avec un son très clair, est très certainement attaquée biniou ouvert, clé de ré aigu (paume gauche), pas conforme aux règles "Mule". J'écoutais ça comme jeune ado (au lieu de Pink Floyd... c'est grave, Mme Dolto ?), il m'a fallu beaucoup de temps pour réaliser que tous ceux qui ne sonnaient PAS comme Lockjaw n'avaient pas forcément raté leur vie (Getz, Coltrane, Zoot, etc....). La "bien pensance" jazzistique m'a beaucoup aidé à relativiser. Lockjaw, c'est ringard.

Ca commence à 1:02, 12 mesures définitives. D'ailleurs, une fois que tu as "calibré" tes oreilles sur lui, tu l'entends dans l'unisson du thème, malgré ses efforts pour se fondre dans l'ensemble, pour "blender" comme on dit parfois. Go for the sound.


Re: Go for the sound

Posté : 22 nov. 2021 10:37
par manu13
Golson, légende vivante avec Rollins ; Golson a un an et demi de plus.

Le son, en jazz, a une définition bien plus large qu'en physique ; deux pianistes, jouant sur le même piano, ont des sons différents.

Pour moi, le son est indissociable de la technique ; la technique, ce n'est certainement pas uniquement de remuer les doigts le plus vite possible ; c'est avant tout la précision rythmique et l'articulation ; du coup, j'aurais tendance à dire, en contrepied, que le son vient tout seul avec la technique...

Re: Go for the sound

Posté : 22 nov. 2021 12:57
par dexdex
manu13 a écrit : 22 nov. 2021 10:37 Golson, légende vivante avec Rollins ; Golson a un an et demi de plus.

Le son, en jazz, a une définition bien plus large qu'en physique ; deux pianistes, jouant sur le même piano, ont des sons différents.

Pour moi, le son est indissociable de la technique ; la technique, ce n'est certainement pas uniquement de remuer les doigts le plus vite possible ; c'est avant tout la précision rythmique et l'articulation ; du coup, j'aurais tendance à dire, en contrepied, que le son vient tout seul avec la technique...
Tellement vrai.

Le son de Dexter Gordon est souvent qualifié de gros, "big". C'était certainement le cas pour l'essentiel, mais c'est aussi son articulation qui est "big". Affirmative, charpentée, souvent légèrement traînante (en retard). Ses silences aussi sont "big". Golson est plus fluide, plus fugace.

Le son demande du temps, comme la technique. Comprendre, surmonter, repousser les limites. C'est aussi un ensemble de techniques. A partir d'un certain moment, on peut commencer à choisir, influencer, et ne plus avoir qu'un son par défaut.

Re: Go for the sound

Posté : 22 nov. 2021 15:39
par Paxi
Ce matin j'écoutais Gerry Mulligan. Ça faisait suite à un échange presque badin que j'ai eu avec un admirateur de Mulligan à qui je disais que je préférais Wayne Shorter (c'est con, je sais).
A l'écoute, je me suis rendu compte qu'ils ont en commun ce qui me touche : le chant. Au point que la qualité du son et de la technique paraissent presque secondaires.
Ce qui me plaît c'est quand j'ai pas besoin de m'expliquer pourquoi ça me plaît : si ça me parle et que ça m'emmène, c'est tout bon.
Je ne sais plus qui disait que la beauté, c'est ce qu'on aurait été incapable d'imaginer. Et c'est peut-être pour ça qu'on a beaucoup de mal à mettre des mots dessus... et qu'en vieillissant on devient dur d'oreille ?

Re: Go for the sound

Posté : 23 nov. 2021 14:23
par dexdex
Vous l’aurez compris, ce fil est un prétexte pour partager des sons… et collections de sons qui me parlent. Souvent, ce sont des coups de cœurs déjà anciens.

Ci-après, un coup de cœur d’ado, découvrant un Big Band un peu mystérieux à l’époque, au milieu des années 70. Mystérieux, portant un nom (2 noms) interminable. Cette musique commençait à se faire sa place dans mes oreilles, et a contribué à mon abandon des Pink Floyd ou Deep Purple que j’étais sensé écouter. En passant, c’est la lecture aléatoire dans la voiture qui me l’a ressorti ce matin.

The Thad Jones Mel Lewis Orchestra. Donc, « the sound » dans ce cas, c’est tout un orchestre. Un extrait d’un album moins connu. Un « bête » blues. Qui incarne à mon sens toute l’essence de ce Band, mais aussi, quelque part, toute l’essence du big band en général.

« Blues in a Minute », sans doute arrangé à la minute, sur un coin de table, a tout, tout juste. Un tempo parfait, une basse (George Mraz, récemment disparu) et une batterie (ML) totalement complices, un swing tour à tour un peu lâche puis de nouveau très serré, des solistes libres, ayant le temps, une section de saxes emmenée par un soprano (signature de ce Band), des tuttis qui envoient.

Un des meilleurs moments ? Les double-croches de ML en réponses à celles du trompettiste Jon Faddis, puis reprise en main par ML après 12 mesures. En passant, la célèbre cymbale chinoise, autre signature de ce Band. Pour le soliste, c’est irrésistible. C’est Faddis qui y a droit.

Un seul morceau de big band sur l’île déserte ? Ça sera celui-ci. Le solo de ténor est (sauf erreur) de Billy Harper.


Re: Go for the sound

Posté : 23 nov. 2021 14:46
par Paxi
J'aime bien Pink Floyd :33:
Merci pour Cecil Bridgewater, rarement entendu une trompette aussi expressive. Une autre pépite du même trompettiste, accompagné d'Odeon Pope, Max Roach et Tyrone Brown

Passer derrière le mur, c'était une autre façon de le casser, une façon de dire ce que c'est qu'être libre

Re: Go for the sound

Posté : 23 nov. 2021 18:43
par OLIVIERMOJOSAX
Un qui n'est pas spécialement réputé pour sa technique mais qui peux émouvoir : Charlie Rouse : "unsung heroes"
le pierrot lunaire : Paul Gonsalves : " D Ellington featuring PG" :
Unlucky : Lucky Thompson : "blue and boogie " avec Miles
Un étrange pas spécialement technique, (quoique) : barney Wilen....
et évidemment Lester dans ses belles années
Tout ce qui est dit dans les postes précédets est vrai.
Pour ma part, si mon son ne va pas, je ne peux pas phraser. Si mon son va bien, les idées suivent, ....mais c'est vrai que sans technique, on n'a pas beaucoup de vocabulaire !

Re: Go for the sound

Posté : 24 nov. 2021 08:52
par Tintin
OLIVIERMOJOSAX a écrit : 23 nov. 2021 18:43 Un qui n'est pas spécialement réputé pour sa technique mais qui peux émouvoir : Charlie Rouse : "unsung heroes"
Ah oui ! Charlie Rouse, en voilà un dont on ne parle pas assez. Son album Yeah ! mérite une écoute attentive, et quel son ! ;b9: